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2025 ... St-Etienne de Furan.



Depuis 10 ans beaucoup de choses ont changé.
Les efforts de la population et des services municipaux sont aujourd'hui couronnés de succès.


Le Furan est découvert !


Oui, l'eau coule gaillarde et irisée en plein centre ville.

Depuis les petits ponts, certains jours, les stéphanois aiment voir moucher les truites.

Les enfants jouent partout.

De nombreuses prises d'eau alimentent de petits biefs qui courent dans les rues et arrosent jardins publics et jardins ouvriers. Le jardinage a progressé en ville à cause du départ d'une partie de la population pour les bourgades voisines.

Les fontaines sont d'eau vive.

Les arbres fruitiers bordent des rues définitivement abandonnées par les automobiles. Il y a bien quelques chapardages mais la cueillette donne lieu à de célèbres fêtes de quartiers.

Aux fenêtres, de nombreux bacs à plantes aromatiques sont arrosés automatiquement par les eaux de pluie qui descendent des toits plantés.


Des toits plantés .... ?


Oui, des toits plantés car la municipalité aide beaucoup à la modification des toitures. Dans 10 ans, un touriste qui survolera la ville dans ces nouveaux aéronefs silencieux verra le village origine de la ville dessiner une tâche rouge tuile sur un vaste fond vert, strié de rues et d'avenues.

La végétation a fini de coloniser les vieux crassiers qui sont maintenant buts de promenade. De là-haut, on peut déjà se faire une idée de cette "mer verte" percée çà et là de quelques anciennes toitures que les services des monuments historiques ont proposé de conserver.

Le promeneur montant le chemin en spirale peut voir circuler de curieux engins électriques. Ils empruntent l'ancien réseau de tramways qui, au début du XXIème siècle, s'était beaucoup complexifié. Ces engins d'apparence fragiles roulent entre des rangées d'arbres dont la plantation est devenue sport local. Il avait bien fallu se décider à redescendre le taux de CO 2 que le XXème siècle, dans son insouciance, nous avait légué. De plus, pour accélérer la chose, le bois (la fibre de carbone la moins onéreuse) est à nouveau beaucoup utilisé : le dernier pont à grande portée de la ligne TGV Oural/Atlantique utilise massivement un composite bois.
Les agriculteurs ont vite compris que les anciennes friches imposées par l'ex C.E.E. à la fin du XXème siècle pouvaient devenir des champs où sont "moissonnés" de jeunes baliveaux (noisetier, châtaignier, frêne...). Leur diversité permet aussi bien l'alimentation de chaufferies urbaines que la fabrication d'une multitude de matières fibreuses.
Les paysans cultivent même de la mousse pour faire toutes sortes d'isolants. Ainsi, le nombre de paysans s'était doucement mis à augmenter.
Les citadins sont par ailleurs encouragés à restituer la matière organique dans des centres techniques où elle est compostée, car en 2010, le seuil de fertilité des sols minéralisés par les intrants chimiques approchait dangereusement le zéro.


Et le Furan dans tout çà ?


Il avait fallu en 2011 un grave accident collectif.

Les Stéphanois s'étaient petit à petit trouvés avec une eau dangereuse sur leurs éviers.

Oui ! petit à petit :

Tout le monde savait bien que les stations de traitement des eaux s'étaient beaucoup compliquées pour continuer à fournir ou plutôt à reconstituer une eau conforme aux normes de potabilité.

Tout le monde avait protesté quand les députés avaient tenté de relever les seuils admissibles de matières nocives comme ils l'avaient déjà fait une fois à la fin du XXième siècle.

Tout le monde avait vu la multiplication des contrôles techniques et leurs résultats alarmants. Certaines eaux minérales étaient elles-mêmes touchées.

En mars 2011, des enfants et des vieillards avaient été hospitalisés.

En juillet 2011, au paroxisme d'un été spécialement chaud, c'était une véritable épidémie.


Plan d'urgence......panique......


Les vieux puits abandonnés sont appelés à la rescousse... mais les experts sont formels : les nappes phréatiques profondes sont impropres à être traitées.

Alors la débrouillardise fleurit partout :
Les cocottes minutes servent à distiller.
La rosée est récoltée.
Les cuisines s'équipent de vitrages simples avec récupérateur hivernal d'eau de condensation.
Des petits malins font même fortune en vendant des distillateurs solaires.

Les prix de l'eau potable flambent.


Les partis politiques s'étripent pour trouver un coupable, quand toute une population sait confusément qu'elle a "contribué" à cette situation.

Dramatique tohu-bohu... le nombre de malades augmente... discutions ... polémiques...


Il faut en attendant boire peu..., se laver les mains avec l'eau qui a lavé les légumes, laver parcimonieusement les WC avec l'eau de lavage des mains.

Les bains sont interdits et les piscines sont vides.

Quand il pleut, des récipients hétéroclites sont disposés partout.

Un jour l'administration impose le WC sec en remplacement des WC à l'anglaise.

Le lendemain, elle installe des distillateurs publics.

Toutes les pharmacies vendent des cachets solubles de reminéralisation.

Les vieilles barattes sont très recherchées : elles permettent de réoxygéner l'eau pour la rendre plus digeste.


Enfin le temps passe...
Une nouvelle attitude se met en place.
L'urgence hydraulique est décrétée.

Les intrants de synthèse tombent en désuétude.
La chimie, la biologie, l'agro-alimentaire commencent à se transformer.

La décennie sera celle de l'eau.

10 ans de travail. La réhabilitation des systèmes de captage est inaugurée le 21 Mars 2015. Un sculpteur célèbre a même créé autour de chaque source, un lieu paisible aux airs de temple primitif.

Partout de l'amont vers l'aval, les sous-sols sont réhabilités.
La dalle sur le Furan est démolie .
Un réseau d'égouts (soulagé de toutes les eaux pluviales) est en 2017 flambant neuf : 2 ans de travaux forcenés, toutes les entreprises de construction requisitionnées.

2020 : le miracle se produit.


L'eau s'éclaircit, les odeurs s'apaisent.


Les nouveaux "riverains" arrangent les berges.
Les tous récents toits plantés filtrent l'eau de pluie.
Le goudron est systématiquement remplacé par des sols poreux.

L'urgence se calme... la fantaisie réapparaît.

Devant la mairie, le parking inutile est transformé en piscine publique géante. Elle est couverte d'une immense verrière. Un plancher escamotable se déplie pour accueillir la toujours actuelle fête du livre.

Le bassin de la préfecture est alimenté d'eau vive. Quelques immeubles mal placés ont été démolis.
La place Albert Thomas a été mise au niveau du Furan découvert, et étage maintenant des terrasses ensoleillées.

Le parking des Ursules a naturellement sauté. Le jardin des Beaux Arts dégouline dans la ville.

Place du Peuple, une petite retenue d'eau ménage une étendue tranquille. Les engins de transport semblent l'effleurer.

La Fac, par son dernier agrandissement, s'ouvre sur la rivière où sont installées des "manips".

Enfin toutes sortes de micro-aménagements :
- micro-turbines au fil de l'eau pour alimenter l'éclairage public.
- bacs de décantation des eaux d'orage pour récupérer les argiles
- même une pisciculture dans l'arrière boutique d'un poissonnier
- sans répéter ici tous ces dispositifs par lesquels cette histoire a commencé.


La coupole grise visible depuis le Guizay au-dessus de la ville a presque disparu. Dans la Loire, on peut se baigner.

La vieille industrie mute, plus attentive et plus modeste.

La notion de déchet tend a disparaître car l'eau nous rend présent à l'idée de cycle.

Le citoyen sait mieux que l'achat d'une denrée contient l'achat des circonstances qui la produisent.

Les gaspillages énergétiques ont été vigoureusement diminués.

La faculté, face aux circonstances, a changé ses axes de recherche.

Le verre d'eau de Dumont est considéré comme un tournant historique.

Le musée de l'histoire des techniques hydrauliques a été ouvert au public hier. Dans un grand geste d'humour, la décharge du Pateux a été transformée en réserve archéologique pour les temps futurs.

Bientôt, sur financement mondial, le barrage de Grangent sera complètement nettoyé.

Chez les successeurs de Gagnaire, on cuisine la célèbre truite du Furan.




Toute ressemblance avec ce qui se passera d'ici 2025 sera totalement fortuite.


En effet , nous pouvons découvrir le Furan dès aujourd'hui.



St-Etienne de Furan, le 1 Avril 1995






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