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TEXTES




« ARCHITECTURE » POUR LE « GRAND AGE »











Pourquoi sculpter une canne ?
Pourquoi fleurir un jardin ?
Pourquoi hésiter une couleur ?




Qui osera dire que Mozart ne sert à rien ?




Dans le titre, il y a le mot :
« ARCHITECTURE »


1ERE BASE :


Architecture comme enveloppe protectrice,
        comme troisième peau,
        comme soutien du corps,
        comme intelligence de la paresse,
        comme effort d’organisation,
        comme raisonnement matérialisé.

Architecture, n’ayons pas peur des mots, comme machine efficace et précise, douce aux efforts humains.

Architecture utile,
Architecture – usages qui place les choses là où vous penseriez les trouver, qui accompagne vos pas là où vous souhaiteriez aller.

Architecture qui fonctionne comme un grand organisme, dessiné, décidé avec attention et patience, ressourcé de l’expérience humaine, nourri de la diversité des cerveaux.

Voilà jetée une première base :

La canne tient,
Le jardin donne d’honnêtes pommes de terre,
Le blanc tranche l’hésitation colorée,
Mozart n’a pas trouvé son utilité.

La résidence des personnes âgées se calque sur le modèle de l’hôpital : bonne machine à soins.

La chambre est plutôt blanche, boîte cubique percée d’une fenêtre carrée, le lit est un peu chromé, la tablette est parcimonieuse, le numéro est sur la porte, le placard est resserré, sans tiroir secret, la douche minimaliste se crispe sur l’hygiène, la lumière est blanche, les matériaux sont abstraits, lisses, nettoyables, le couloir est droit, inexorable, la pièce commune est commune, mon voisin, ma voisine sont en des lieux dupliqués.


L’EN - VIE :


L’envie me prend de fuir.

Le temps est celui de l’horloge électronique. Ni se raccourcit. Ni ne s’allonge. Sans ondulations, il passe, sévère, martelé.

Où est passé Mozart ?
Où sont (au moins) les copeaux de la canne sculptée ?

Quand mon propre corps machine se fane, se fatigue, me lâche, je ne peux vraiment pas être machine habitant une machine qui me crie :
« je vais forcément gagner ! »
Elle me conte mon propre désespoir de tous ses cliquetis. Je les trouve pourtant bien utiles.
Elle s’auto-bonne conscience quand je sent mes larmes perler.

Mozart, au secours… !

Machine ?

Condition minimum et insuffisante nécessité quotidienne et douloureux miroir de mes maux, insupportable utilité.

Condition à subvertir.
Base à dépasser.



ARCHITECTURE – DIMENSION MACHINE = EMOTION


La machine soulage, l’émotion nourrit, réchauffe l’intérieur, tapisse notre creux intime et, à sa façon soigne aussi.

C’est ça l’âme ?

Contentons-nous de parler de ce qui tient l’humain debout, de ce qui fait la différence entre une vache aux grands yeux et un beef-steak orné de persil, entre une organisation chimique et le vivant.

Oserons-nous parler « l’imparlable » ?

Vieillir ne nous y invite-t-il pas ?

La lumière ne se contente pas longtemps d’être seulement un nombre de Lux.
Le bruissement du monde ne campe pas dans les Décibels.
La température explose vite les degrés.
La couleur déglingue les longueurs d’onde.
Le monde se refuse vite à la seule petite partie que nous savons mesurer, que nous parvenons à expliquer.

Il nous met en pleine gueule son incompréhensible présence.

L’émotion voyage dans cette terre improbable.

La lumière égrène un temps chanté.
La nuit concrétise un silence chair de poule.
La température énumère les saisons autour du soleil.
La couleur irise les pensées.
L’eau mouille un passé antérieur.
Le vent apporte un au-delà d’horizon.
Le givre sur la vitre fait de l’œil à la fougère.
Le bruit de la pluie…
L’odeur…

D’immenses portes s’ouvrent pour peu qu’on enlève le pied.

Laisser la maîtrise pour écouter et entendre…

La chambre alors se transforme.
Sa géométrie s’enrichit.
La fenêtre est dessinée par le mouvement du ciel.
La profondeur de l’horizon est multipliée par un premier plan qui me touche, tête sur l’oreiller.
Le couloir se tortille.
Les matières transcrivent l’alentour en cristaux et veinures.
Mes voisines – voisines ne sont pas dupliquées.
Un bruissement de feu me chauffe la peau.
L’eau de la douche coule en cascade.
Une pierre usée accueille mon séant pour peut-être encore me rincer moi-même les pieds.
Une terre chaude s’offre à mes mains pour semer une graine de haricot.
Le carrelage a été refait par mon voisin en chariot. Bien sûr, il a mis longtemps à choisir ses tessons pour me chatoyer une mosaïque.

- Tu entends les enfants sortent de l’école.
- Reviens me voir dans 3 jours, une chambre sera libre pour que tu dormes, nous passerons la soirée.

Un sculpteur burine nos histoires.
Tête condamnée à l’oreiller, le plafond s’offre comme un monde.

- Tu peux me punaiser ce truc là-bas ?

Oui, c’est une maison, un village, une ville :
évidents et compliqués,
raisonnés et sensibles,
clairs et contradictoires.

C’est une sorte de carte posée comme un condensé, rassemblant les couleurs, les saveurs , les sons en une musique particulière qui me joue la présence.





LE MONDE EST / JE SUIS


L’architecture est un des entre-deux nécessaire à dire l’existence des deux pôles, même si l’un d’eux à la tête presque immobile, peuplée, faite de mille êtres : compagnes et compagnons de vie.

La qualité des effluves qui arrivent est beaucoup plus qu’une fleur.

Bien sûr, elles ne sont pas le monde. Je préférerais marcher, partir. Mais déjà, cette respiration de toujours, ce flux d’échanges entre moi et l’ailleurs « m’existe » ! vous comprenez : « m’existe ».

J’entends ce qu’a voulu dire Mozart.
J’aime le sculpteur.

- S’il te plaît, change moi cette couleur.



GRAND AGE


C’est aller vers l’immobile
Ou, qui sait, vers le mouvement silencieux.
L’architecture – émotion, l’architecture – poétique publique alimentent ce voyage là.

J’aime qu’elle me dessine un sourire.

Tête immobile,

Yeux fermés.

                          Yves PERRET - Architecte





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